« La course d'escargots » par Christelle Valette
commentaires de Nico Nu
La course d'escargots, c'est La Fontaine mâtiné de Schumacher. En même temps, avec les gastéropodes, c'est toujours un moment d'intimité. D'autant plus pour moi, étant donné que dans le passé, j'ai joué le rôle d'un escargot dans une pièce de théâtre. Je rampais sur la scène, en me contorsionnant... Bref, je m'en sens vraiment proche.
Je les ai vu se faire peindre. C'était un moment extraordinaire. En un coup de pinceau, ils étaient transfigurés. D'un seul geste ils devenaient extra-naturels. Bruyants. Modernes, pourrait-on dire. Mon préféré, j'avoue, c'est le rouge pompier.
Donc on les peint, puis on les relâche. La course, en effet, c’est quoi ? L’événement attendu. Toute l’organisation préalable, les loges, les moteurs qui vrombissent, les tribunes surchauffées, les supporters sur les dents. Et puis le moment ultime, le passage à l’acte... Et là, il ne se passe rien. Après la stridence des couleurs artificielles, la tension des préparatifs, on donne le départ, et : rien. C’est un peu la morale de « la course d’escargots ». La vanité, la futilité, le dérisoire. Il ne se passe rien.
Et pourtant, c'est un exercice périlleux, une course d'escargots. Il y a eu un faux départ. Ensuite, au début, ça allait, ils avançaient sur une bande d'alu, bien lisse, brillante, de 5 mètres de long. Mais à un moment il y a eu un coup de chaud, et... accélérations, frémissements dans le public... ils sont tous passés à l'ombre, sur le côté ! Dans la droite, ils ont "inventé" une courbe, en quelque sorte. Malheureusement, la casaque jaune a franchi le Rubicon en passant carrément dessous la tôle, sous la piste. L'arbitre est intervenu et a donné une pénalité : recul de 3 centimètres. Pénalité bien comprise par le public, d'ailleurs, dans lequel régnait une bonne ambiance. Sur le terrain, en revanche, ce n'était pas tout à fait la même chose. Des tensions, des frictions d'antennes... On en est arrivé au télescopage, au carambolage même. Le jaune, encore lui, a percuté le rouge. Nouvelle intervention de l’arbitre, qui là a donné un bonus de 3 cm au rouge.
J’en profite pour dire deux mots de l’arbitre : Georges Nouveau, arbitre professionnel, dont les qualités ont été unanimement reconnues. Un pro.
J'aurai un peu de mal, en revanche, à parler du résultat de la course. A la suite du carambolage, j'étais au poste de secours pour une coquille ébréchée. On rattrape très bien, maintenant, avec un plâtrage siliconeux calcairoïde. La course s’est fini en un temps record, et quand je me suis retourné, j’ai entendu : « on a tous gagné ! »
Là, Christelle Valette s'est effondrée. D'épuisement. Un vrai patatras. Après avoir porté cet événement à bouts de bras, avec toute la pression, les concurrents, le public, les médias, la tension s'est relâchée d'un coup, et elle s'est effondrée. Mais en fait cette sorte de baby blues a été très court, et assez vite, après l'épuisement, ç'a été le soulagement, qui s'est transformé en une explosion de joie. Cette "course d'escargots" aura été une révélation personnelle, quasiment mystique, un accomplissement. L'artiste est partie avec la joie, elle portait le sourire éternel.
J'aurais personnellement une critique à faire : j'ai vu une pub sur le stade. Moi ça m'a choqué. En même temps on peut comprendre, c'était pour le Conseil Général de Bourgogne. On est pas trop à côté de la thématique de l'événement. Et peut-être qu'à terme, d'un point de vu financier, on devra faire appel à plus de sponsors. Pourquoi pas. Mais il faudra être prudent, si on veut rester dans l'esprit de l'Ile Simon.
En effet, et ce sera ma conclusion, je pense que "la course d'escargots" de Christelle Valette est une oeuvre majeure de l'Ile Simon 2008. Car bien évidemment, au-delà de l'anecdote, cet événement est un acte politique.
propos recueillis par JCB
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